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henri levavasseur - Page 2

  • L'identité des peuples : un double héritage culturel et biologique...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Henri Levavasseur à Breizh Info à l'occasion de la sortie de son essai L’identité, socle de la Cité. Réconcilier ethnos et polis (La Nouvelle Librairie, 2021).

    Docteur en histoire, médiéviste et germaniste, Henri Levavasseur a notamment collaboré à La Nouvelle Revue d’histoire, ainsi qu’à deux ouvrages édités par l’Institut Iliade : Ce que nous sommes — Aux sources de l’identité européenne (Pierre-Guillaume de Roux, 2018), et Nature, excellence, beauté — Pour un réveil européen (La Nouvelle Librairie, 2020). Il a également contribué à La Bibliothèque du jeune Européen, recueil dirigé par Alain de Benoist et Guillaume Travers (Le Rocher, 2020).

     

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    Henri Levavasseur : « L’identité des peuples se fonde sur un double héritage, culturel et biologique »

    BREIZH INFO : Henri Levavasseur, pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?

    HENRI LEVAVASSEUR. Historien et linguiste de formation, je m’intéresse depuis longtemps à la genèse des cultures de l’Europe ancienne. Ma vision du monde a par ailleurs été fortement influencée par la lecture de Martin Heidegger et la manière dont ce philosophe reprend les questionnements fondamentaux de la pensée grecque pour parvenir à une compréhension intime de la modernité. Attaché à mes racines normandes, j’accorde une grande importance à la notion de « patrie charnelle », telle que la conçoivent Barrès et Péguy. Soucieux de transmettre la flamme aux jeunes générations à l’heure où se joue le destin de l’Europe, je me suis tout naturellement rapproché de l’institut Iliade, qui accomplit dans ce domaine un travail remarquable.

    BREIZH INFO : Votre essai constitue une réflexion fondamentale sur la notion d’identité, et sur l’articulation de cette notion avec la Cité, c’est-à-dire avec le Politique. Quelle est votre vision de l’identité de la nation française ? L’identité politique de la république ne s’est-elle pas construite en niant précisément l’identité « charnelle » des peuples et des régions ?

    HENRI LEVAVASSEUR. Les entités politiques ne doivent pas être pensées comme des notions abstraites et figées, mais comme des réalités organiques. En tant que telles, elles constituent des ensembles qui valent plus que la somme de leurs parties, mais qui ne peuvent se maintenir en vie lorsque les organes qui les composent cessent de fonctionner harmonieusement. De même, la nation est une entité politique souveraine, qui représente plus que la somme des identités régionales et locales qu’elle rassemble, mais qui ne peut exister de manière pérenne sans ces dernières. La nation est un organisme vivant dont les familles, les communes, les régions forment en quelle sorte le « corps ». Être français, ce n’est pas (ou pas seulement) adhérer à des « valeurs » et à des institutions politiques, c’est d’abord être Normand, Picard, Breton, Provençal, Lorrain (pour ne citer que quelques-unes des identités réelles et enracinées qui constituent collectivement l’essence de la nation française, telle qu’elle s’est progressivement formée au fil des siècles).

    Depuis la Révolution française, cette conception organique de la nation tend malheureusement à disparaitre au profit d’une conception idéologique coupée du réel et de l’histoire, fondée sur des valeurs à prétentions universalistes, intangibles et « républicaines ». J’entoure ici de guillemets l’adjectif « républicain », puisque ce discours, révolutionnaire et subversif par essence, vise à nier ou à transformer de manière radicale l’identité française héritée de notre histoire : ce républicanisme-là n’a plus guère à voir avec le service de l’état et du bien commun, c’est-à-dire avec la res publica au sens romain (signification que ce mot conserve encore sous la plume du juriste Jean Bodin au WVIe siècle).

    Il est d’ailleurs assez paradoxal que les révolutionnaires français se soient réclamés du système romain, fondé sur une conception très inégalitaire et aristocratique de la citoyenneté. Mais ces rêveurs sanguinaires n’étaient pas à une contradiction près : ne prêchaient-ils pas l’amour de l’humanité tout en exterminant les Vendéens ? J’évoque dans mon essai les circonstances horribles de la mort de la princesse de Lamballe, massacrée dans des conditions de sauvagerie qui rappellent étrangement l’égorgement récent d’un professeur de lycée par un mahométan fanatique…

    BREIZH INFO : L’invocation des « valeurs de la république », qui prend aujourd’hui une dimension quasiment religieuse, ne dissimule-t-elle pas, derrière les appels à l’unité nationale, la fracture béante qui traverse la société française ?

    HENRI LEVAVASSEUR. De toute évidence, la question de l’identité de la France se pose aujourd’hui en des termes nouveaux, du fait de l’entrée sur notre territoire, en l’espace d’un demi-siècle à peine, de millions d’immigrés provenant de l’espace extra-européen. A l’échelle du contingent, c’est un phénomène d’une ampleur sans équivalent depuis la Préhistoire. Je renvoie sur ce point aux travaux de l’un de nos plus grands démographes, le regretté Jacques Dupâquier, membre de l’Institut.

    Le traumatisme culturel, social, économique et politique provoqué par l’arrivée de ces flux humains considérables a créé en France, mais aussi dans la plupart des pays d’Europe, une véritable fracture entre l’identité ethnoculturelle et l’identité civique, entre ce que les Grecs nommaient, à l’aube de l’histoire européenne de la pensée, l’ethnos (« ethnie ») et la polis (« cité »).

    C’est le constat de cette fracture sans précédent, qui menace la cohésion et l’existence même des nations et des peuples d’Europe, qui m’a conduit à écrire ce livre, afin d’inciter mes contemporains à prendre toute la mesure du problème, et surtout à trouver en eux-mêmes les ressources nécessaires pour redonner à nos nations l’avenir qu’elles méritent.

    BREIZH INFO : Comment concevez-vous donc la notion même d’identité ? Est-ce une donnée figée ? L’identité n’est-elle pas, comme l’affirment certain, une construction en perpétuelle évolution ?

    HENRI LEVAVASSEUR. L’identité des peuples doit naturellement être pensée de manière dynamique : elle est soumise, comme toute réalité vivante, à la loi du devenir. Pour comprendre l’origine et le sens de notre identité, il faut donc revenir aux fondements d’une saine anthropologie. En dépit de ce qu’affirment les tenants de l’idéologie libérale-libertaire, l’homme n’est pas une construction abstraite : il ne se réduit pas à l’image d’un individu doté à la naissance de droits universels, libre de signer un « contrat social » avec ses pairs. Nous savons tout au contraire, depuis Aristote, que l’homme est un « animal politique ». Cela signifie que son identité se construit dans l’espace d’une Cité, sur un territoire où s’exerce une souveraineté, qui permet de garantir la pérennité et le développement d’une culture. Car la « nature » de l’homme est précisément celle d’un « être de culture », comme l’a bien montré le philosophe allemand Arnold Gehlen dans son ouvrage magistral intitulé L’homme, dont la traduction française vient de paraître cette année chez Gallimard. L’existence de la personne humaine se déploie donc toujours, dès l’origine, dans le cadre d’une famille et d’un peuple.

    L’identité des peuples se fonde sur un double héritage, culturel et biologique. Les deux dimensions sont indissociables et se « façonnent » mutuellement, en constante interaction avec le milieu et le territoire. C’est pourquoi les revendications très platement « racialistes » des « indigénistes » sont absurdes : vouloir revendiquer des droits en fonction de la couleur de peau, indépendamment de l’appartenance à une cité, à un territoire et surtout à une culture, n’a aucun sens.

    BREIZH INFO : Existe-t-il donc pour vous une identité « européenne », ou l’Europe n’est-elle qu’une construction vide de sens, un fantasme dangereux qui s’opposerait à l’identité des nations ?

    HENRI LEVAVASSEUR. Les peuples d’Europe ont en commun plus de cinq mille ans d’histoire, ce que confirment les données établies par la linguistique indo-européenne, l’archéologie et la paléogénétique. Je renvoie ici à la synthèse récente publiée par le généticien David Reich, de l’université de Harvard (Comment nous sommes devenus ce que nous sommes, Quanto, 2019).

    L’Europe, ce n’est pas l’Occident, ou plutôt : l’Occident, ce n’est plus l’Europe. Les notions d’Europe et d’Occident ont certes été plus ou moins synonymes jusqu’au xxe siècle. Mais la « Grande guerre mondiale de trente ans », qui a éclaté en 1914 et s’est achevée en 1945, a laissé les nations européennes exsangues, soumises pour moitié au joug communiste, pour moitié à la domination américaine. Or, depuis la chute du système soviétique et le retour des nations d’Europe centrale à la liberté, les concepts d’Occident et d’Europe ne se recoupent plus : l’Occident prend de plus en plus la forme d’un système idéologique libéral-libertaire mondialiste, hostile à l’identité, à la culture, aux traditions, aux intérêts et à la souveraineté des nations européennes.

    Il va de soi que l’Europe ne se confond pas davantage avec l’édifice institutionnel de l’U.E., qui s’acharne précisément à nier l’existence de l’identité européenne, en réduisant cette dernière aux « valeurs » occidentales, et en transposant à l’échelle du continent les aberrations du discours idéologique jacobin.

    A la différence des nations qui la composent, l’Europe n’est pas une entité politique. Elle est à la fois autre chose que cela, et bien plus. Elle constitue un espace de civilisation, dont l’existence ne peut être distinguée de celle des cultures, des nations et des peuples qui l’incarnent et lui donnent vie. Cet ensemble véritablement polyphonique se déploie sur un territoire délimité par la géographie et l’histoire, c’est-à-dire par le poids des réalités géopolitiques. L’Europe, c’est une très longue mémoire partagée. C’est la conscience de racines communes, d’autant plus solides qu’elles plongent dans un passé plurimillénaire. C’est la claire vision de l’appartenance à un « concert des nations chrétiennes », voué à dépasser les antagonismes immédiats lorsque les périls extérieurs menacent la pérennité même de l’ensemble. L’Europe, c’est l’union sacrée des nations chrétiennes se portant au secours de Vienne, capitale du Saint-Empire romain germanique, afin de repousser les Ottomans qui l’assiègent en 1683.

    BREIZH INFO : L’Europe que vous évoquez est-elle donc un produit de l’histoire, un reflet du passé ? En quoi la référence à l’héritage de l’Europe ancienne peut-il aider dans l’avenir nos peuples à préserver et réaffirmer leur identité ?

    HENRI LEVAVASSEUR. Recueillir et revendiquer cet héritage, ce n’est pas s’enfermer dans une vision figée ou idéalisée du passé, c’est parvenir à une compréhension intime de « ce que nous sommes », de ce qui constitue notre spécificité en tant que peuples porteurs de cultures issues d’une matrice commune. C’est mieux saisir ce qui caractérise notre vision du monde et l’éthique qui nous anime. Les mots grecs ethos (« éthique ») et ethnos (« ethnie ») sont d’ailleurs étymologiquement apparentés. Cette relation étymologique est évidemment significative : l’éthique est une manière de « se tenir », conformément à l’usage reçu des aïeux.

    Se réapproprier notre héritage, c’est concevoir l’identité comme la réalisation d’un potentiel et l’expression d’un génie propre, qui permet d’agir dans le monde d’une manière conforme à notre nature, c’est-à-dire à notre culture. Prendre conscience de « ce que nous sommes », c’est acquérir l’intuition de « ce que nous pouvons ». Renan, dans son célèbre discours sur la nation, ne dit pas autre chose : une nation, écrit-il, est un « principe spirituel » qui unit la mémoire d’un passé commun à la volonté de prolonger cet héritage. Renan ne dit pas que la nation se réduit à l’expression d’une volonté de « vivre ensemble », mais que cette volonté, naturellement indispensable à la pérennité de notre souveraineté politique, n’a de sens et de solidité que dans la mesure où elle s’enracine dans un patrimoine spirituel commun.

    C’est pourquoi le discours à prétentions « républicaines », dans son extrémisme subversif, ne peut pas se réclamer de Renan sans le travestir. Je suis d’ailleurs parti de ce constat pour écrire ce livre.

    BREIZH INFO : Comment procéder selon vous à la prise de conscience identitaire que vous appelez de vos vœux ? Quelles formes concrètes cette démarche peut-elle adopter ?

    HENRI LEVAVASSEUR. Reprendre conscience de « ce que nous sommes », c’est-à-dire de ce qui nous caractérise en tant que peuple, implique naturellement de rejeter l’absurdité de la « cancel culture », mouvement qu’il faut plutôt qualifier de « culture cancel » : non pas « culture de l’effacement », mais bien « effacement de la culture » !

    Il faut également renoncer aux illusions de l’intégration soi-disant « républicaine », qui prétend imposer à tous (sans en être réellement capable) le respect de « valeurs » plus ou moins universelles (donc abstraites), au prix de notre identité spécifique et de nos libertés concrètes : afin de séduire des éléments exogènes qui ne voient aucune nécessité ni aucun intérêt à s’intégrer, les populations autochtones sont sommées de renoncer à leur identité propre. Cela n’est pas acceptable.

    Comme nous y invite Julien Langella dans un ouvrage récent, il faut « refaire un peuple », conscient de son histoire et de sa vocation propre. De manière concrète et pratique, cela signifie qu’il faut rebâtir la Cité à partir de ses fondations, en s’appuyant sur les « communautés organiques » que les tenants de l’idéologie révolutionnaire « arc-en-ciel » s’efforcent précisément de détruire. Ces communautés naturelles, historiques et politiques sont par exemple la famille, la paroisse, la commune, le terroir ou la région – conçues non pas comme de simples entités administratives, mais comme des communautés liées à un territoire, au sein desquelles s’épanouit une identité à la fois enracinée et incarnée, à l’échelle individuelle aussi bien que collective. C’est dans ce cadre qu’il devient possible de réveiller le sens du « bien commun », en saisissant toutes les occasions de redonner vie à nos traditions. Non pas pour singer le passé ou se complaire dans le folklore, mais pour que les germes de vie contenus dans ces traditions puissent à nouveau croître, sans être étouffés par la grisaille « républicaine », la folie « woke », ou les velléités suprématistes manifestées par des cultures exogènes. La jeunesse a un rôle clé à jouer dans ce processus de renouveau, qui doit être guidé naturellement par une « avant-garde ». Tel est l’appel que je lance dans la conclusion de mon ouvrage – tâche ambitieuse à laquelle travaille notamment l’institut Iliade, à travers ses cycles de formation. Il ne s’agit pas pour l’Institut de dispenser un savoir académique, mais de réveiller les mémoires et les énergies, et de proposer un modèle de solidarité communautaire fondée sur la philia, sur la conscience identitaire vécue au quotidien et partagée. Cette avant-garde devra s’engager dans toutes les formes de vies associatives (culturelles et artistiques, intellectuelles et scientifiques, professionnelles et économiques, mais aussi politiques) pour affirmer, moins par le discours que par l’exemple, sa capacité à se réapproprier notre identité et à la faire vivre.

    Dans le même temps, l’importance accordée à la dimension communautaire et locale ne doit pas dispenser ce qui le veulent, et le peuvent, d’exercer une influence à d’autres échelons, dans les cercles décisionnels au sein desquels ils auront su pénétrer. Si nos communautés sont des sanctuaires, où sont préservées les sources pérennes de notre identité, cela ne doit pas nous amener à déserter pour autant l’horizon du politique : n’oublions pas qu’il nous faudra un jour, le moment venu, savoir à nouveau manier les instruments de la puissance.

    Enfin, cette entreprise de reconquête intérieure ne pourra provoquer un véritable renouveau de notre civilisation que si elle est menée simultanément dans tous les pays d’Europe, qui doivent plus ou moins faire face aujourd’hui aux mêmes défis. La tâche est immense et exaltante. Elle requiert toute notre intelligence, toute notre volonté, et surtout tout notre courage. Il n’est plus temps de reculer, ni même de tergiverser. Comme l’écrit Ernst Jünger dans le Traité du Rebelle : « La grandeur humaine doit être sans cesse reconquise. Elle triomphe lorsqu’elle repousse l’assaut de l’abjection dans le cœur de chaque homme. C’est là que se trouve la vraie substance de l’histoire. »

    Henri Levavasseur, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh Info, 28 avril 2021)

     

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  • L'identité, socle de la cité...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie, en collaboration avec l'Institut Illiade, viennent de publier un essai d'Henri Levavasseur intitulé L'identité, socle de la cité - Réconcilier ethnos et polis

    Docteur en histoire, médiéviste et germaniste, Henri Levavasseur a notamment collaboré à La Nouvelle Revue d’histoire, ainsi qu’à deux ouvrages édités par l’Institut Iliade : Ce que nous sommes — Aux sources de l’identité européenne (Pierre-Guillaume de Roux, 2018), et Nature, excellence, beauté — Pour un réveil européen (La Nouvelle Librairie, 2020). Il a également contribué à La Bibliothèque du jeune Européen, recueil dirigé par Alain de Benoist et Guillaume Travers (Le Rocher, 2020).

    docteur en histoire, médiéviste et germaniste

     

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    " Confrontés en l’espace de quelques décennies à l’arrivée massive de populations exogènes, la plupart des peuples d’Europe sont aujourd’hui sommés par leurs propos dirigeants de renoncer à leur identité ethnique et culturelle au profit d’un nouveau modèle de société cosmopolite, fondé sur l’adhésion à des « valeurs » abstraites et universelles. La perte de tout équilibre entre communauté ethnique et communauté civique menace la pérennité même de nos nations. Henri Levavasseur invite dans cet ouvrage les peuples d’Europe à reprendre collectivement conscience de « ce que nous sommes », afin de refonder la cité sur le socle de l’identité. "

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  • L’identité civilisationnelle de l’Europe est-elle « judéo-chrétienne » ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte important d'Henri Levavasseur cueilli sur le site de l'Institut Iliade et consacré l’identité civilisationnelle de l’Europe. L'auteur est docteur en histoire et linguiste.

     

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    L’identité civilisationnelle de l’Europe est-elle « judéo-chrétienne » ?

    À l’heure où l’action de réseaux d’influence islamistes, alimentée sur notre sol par des décennies d’immigration massive, se conjugue à une formidable montée du « terrorisme intellectuel » pratiqué par les militants « déconstructivistes » (« cancel culture », antiracisme racialiste, féminisme « ultra », etc.), la pérennité de l’identité ethnique et culturelle des peuples européens se trouve gravement menacée. Toutefois, des voix courageuses s’élèvent, de plus en plus nombreuses, pour appeler à la défense de notre identité civilisationnelle, que de nombreux écrivains, penseurs ou polémistes qualifient alors volontiers de « judéo-chrétienne ».

     

    Est-il cependant exact et pertinent de définir ainsi la civilisation européenne ? Cette dernière doit-elle être essentiellement conçue comme d’origine « judéo-chrétienne » ?

    Nous ne le pensons pas, pour deux raisons principales, l’une tenant à l’histoire des peuples européens, l’autre à l’histoire des religions.

    Il convient en effet de rappeler, tout d’abord, que les racines de la civilisation européenne sont antérieures au christianisme.

    Les langues parlées aujourd’hui par les peuples européens (langues romanes, germaniques, celtiques, slaves, baltes et langue grecque moderne) appartiennent en leur immense majorité (à l’exception du basque, du hongrois, du finnois et de l’estonien) à la famille des langues « indo-européennes », ce qui signifie qu’elles sont quasiment toutes issues d’une langue mère commune, vieille de plus de 5 000 ans. Or, dans la mesure où la langue structure la pensée, cet héritage constitue un pan essentiel de notre civilisation.

    En outre, aucune migration ou colonisation d’origine extérieure à l’ensemble indo-européen n’a été suffisamment massive – parmi celles qui ont touché certaines régions d’Europe depuis ces cinq derniers millénaires – pour bouleverser radicalement la composition de la population européenne à l’échelle du continent (à l’exception des vagues migratoires de ces dernières décennies, qui constituent un phénomène sans précédent dans la longue histoire de l’Europe, précisément depuis l’époque de la diffusion des langues indo-européennes). Ce constat est aujourd’hui confirmé sans équivoque par les résultats des études paléogénétiques les plus récentes. La plupart des Européens ne sont donc pas seulement les locuteurs d’une langue indo-européenne (comme le sont également les populations afro-américaines qui communiquent en anglais), mais aussi les descendants de lignées ancestrales « indo-européennes », autochtones depuis des millénaires.

    Les peuples d’Europe ont atteint un stade avancé de civilisation, dès l’âge du bronze, il y a plus de trois mille cinq cents ans.

    En ce qui concerne le développement des sciences et des arts, mais aussi dans le domaine des grands principes d’organisation sociale et politique, l’Europe est par ailleurs l’héritière de la pensée grecque et du modèle romain, qui sont également antérieurs au christianisme.

    Les sites de Stonehenge, du Parthénon ou du forum romain ont été érigés bien avant la conversion de l’Empire romain au christianisme. Ils sont les témoignages tangibles de l’antiquité de notre civilisation.

    Il ne s’agit pas pour autant de méconnaître l’importance des influences extérieures, notamment orientales, qui se sont exercées sur la civilisation européenne à différents stades de son histoire : aucune civilisation ne se développe sans contact avec ses voisines, avec lesquelles elle entretient tour à tour des rapports conflictuels ou pacifiques, ce qui conduit nécessairement à un jeu permanent d’influences mutuelles. Pour autant, la civilisation européenne est bien distincte de celles qui l’entourent ; elle possède son identité propre, et les influences qu’elle a reçues ou transmises au fil des siècles ne doivent pas conduire à ignorer la spécificité de cette identité.

    À ce titre, le christianisme n’appartient pas aux « racines » de l’Europe, mais constitue bel et bien une « greffe » qui a naturellement modifié la croissance de l’arbre sur laquelle elle s’est implantée à un stade déjà avancé de son développement plurimillénaire.

    Ici encore, le constat ne vise pas à remettre en cause l’importance de l’apport chrétien au sein de notre civilisation. Celle-ci serait sans doute fort différente de ce qu’elle est devenue (pour le meilleur ou le pire, nul ne le peut le dire), si cette « greffe » ne s’était pas produite. Vibrer au souvenir de nos lointains aïeux devant le spectacle des ruines de Stonehenge ou du Parthénon n’empêche nullement d’éprouver le même type d’émotion sous les voûtes de la cathédrale de Chartres. Admirer Homère ou Aristote n’implique pas de renoncer à apprécier saint Thomas d’Aquin ou Pascal. Ajoutons (ce qui ne va malheureusement plus de soi en cette époque d’effondrement civilisationnel où nous subissons les injonctions des « terroristes intellectuels » inspirés par les délires d’outre-Atlantique) que l’on peut admirer un penseur sans nécessairement en partager toutes les analyses. Rappelons même cette évidence : reconnaître que les « racines » de la civilisation européenne sont plus anciennes que le christianisme n’interdit pas d’être soi-même chrétien, et ne remet pas en cause la validité des dogmes catholiques pour tous ceux qui y adhèrent. Il s’agit d’un constat qui s’inscrit dans l’ordre de l’analyse historique, et non dans celui de la foi ou de la religion : il s’agit de reconnaître que la civilisation européenne est DEVENUE chrétienne, c’est-à-dire que son destin historique ne saurait être dissocié de l’apport chrétien, tout en admettant que les premiers développements de cette civilisation, qui constituent notre héritage le plus lointain, sont antérieurs à l’arrivée du christianisme en Europe. À rebours, il ne faut pas non plus oublier que le christianisme a beaucoup reçu de l’Europe, en s’implantant sur son sol : il suffit pour s’en convaincre de mesurer l’importance des emprunts à la pensée grecque, aux modes d’organisation « romains » (dans ses variantes « occidentales » et « orientales »), ainsi qu’aux traditions locales en manière de « piété populaire » depuis les premiers siècles de l’Église jusqu’à nos jours – aussi bien chez les catholiques et les protestants que chez les orthodoxes.

    La seconde raison pour laquelle l’identité civilisationnelle de l’Europe ne peut être qualifiée de « judéo-chrétienne » repose sur un autre constat, celui du refus du message chrétien par le judaïsme post-christique.

    Ce n’est pas faire insulte au judaïsme que de rappeler qu’il s’est développé à partir du début de notre ère en opposition avec le christianisme, dont il rejette les dogmes ou les articles de foi pour de nombreuses raisons, sur la validité desquelles l’historien n’a d’ailleurs pas à se prononcer.

    Cela ne signifie naturellement pas que les rapports entre les fidèles des deux religions ont été toujours conflictuels au fil des siècles, ni que les chrétiens n’ont pas poursuivi un dialogue intellectuel souvent fécond avec les représentants du judaïsme (comme cela a d’ailleurs été également le cas avec certaines élites musulmanes, sans que l’on éprouve le besoin de parler d’islamo-christianisme).

    Nul ne niera que de nombreux Juifs aient contribué de manière éminente au développement de la civilisation européenne, que ce soit dans les domaines artistiques, scientifiques ou économiques. Pour autant, cela ne fait pas du judaïsme en tant que tel, en particulier dans sa version « post-christique », une source première de notre civilisation. Le fait que le monothéisme chrétien se soit développé à partir de racines juives n’implique pas qu’il faille nécessairement parler de « judéo-christianisme » : viendrait-il à l’esprit de nos contemporains d’évoquer l’existence d’un « judéo-islamisme » ? L’islam est pourtant, à bien des titres, beaucoup plus proche du judaïsme que ne l’est demeuré le christianisme depuis son implantation en Europe. Le monothéisme musulman procède assez directement de l’inspiration du monothéisme juif, alors que le christianisme s’est écarté sur de nombreux points essentiels de ses racines juives, en particulier avec l’idée d’incarnation : l’image du Christ, « vrai Dieu et vrai homme », est tout aussi impensable pour le judaïsme que pour l’islam. On rappellera au passage que les historiens des religions ont parfois émis l’hypothèse d’une influence exercée sur le premier judaïsme par la civilisation iranienne ancienne, d’origine indo-européenne, qui a connu elle-même une évolution « monothéiste » précoce avec le zoroastrisme : les choses ne sont donc pas simples dans ce domaine.

    Si le judaïsme a exercé une influence certaine sur la civilisation occidentale à plusieurs reprises au cours de son histoire (notamment au moment du renouveau des études hébraïques dans le sillage de l’humanisme de la Renaissance), on notera que les communautés juives installées en Europe ont elles-mêmes été largement imprégnées de culture européenne, ce qui les a dotées d’une identité distincte de celles des communautés demeurées hors d’Europe.

    Le judaïsme et l’islam se distinguent cependant sur un point fondamental dans leur rapport avec l’Europe chrétienne, dans la mesure où l’islam n’a quasiment jamais cessé, depuis sa première phase d’expansion, de représenter une menace militaire et civilisationnelle pour le monde chrétien, qu’il s’agisse de l’Empire byzantin ou de l’Occident médiéval. Rappelons que la conquête de l’Espagne par les Maures est bien antérieure aux premières croisades, et que l’Empire ottoman a occupé une partie significative de l’Europe balkanique dès avant la chute de Constantinople.

    Rien de comparable ne s’est assurément produit dans le contexte des rapports entre les différentes communautés juives et l’Europe chrétienne.

    Pour autant, l’emploi de la notion de « judéo-christianisme » nous semble procéder d’un raccourci contestable, impropre à définir l’essence de notre civilisation, qu’il convient tout simplement de qualifier d’européenne, sans lui accoler d’autres qualificatifs réducteurs.

    Le judaïsme n’a pas joué un rôle suffisamment décisif et direct sur l’identité de l’Europe pour que nous puissions définir cette dernière à partir de références religieuses, ethniques ou civilisationnelles finalement distinctes de ses propres racines. Cela ne signifie naturellement pas que les communautés juives installées depuis des siècles en Europe ne soient pas devenues parfaitement européennes. Il convient simplement de ne pas inverser le rapport d’influence et d’antériorité historique en qualifiant notre civilisation de « judéo-chrétienne », ce qui procède d’une double confusion intellectuelle. Il serait à tout prendre plus conforme à la réalité historique d’évoquer la notion d’helléno-christianisme, compte tenu des emprunts majeurs réalisés par la théologie chrétienne à la tradition philosophique grecque, même si le latin s’est naturellement imposé comme la langue de l’Église dans l’Occident chrétien.

    Par ailleurs, rappeler que l’Europe a entretenu dès l’origine des rapports conflictuels avec le monde musulman n’implique pas de considérer exclusivement l’islam sous ce rapport : les impératifs géopolitiques peuvent naturellement amener des nations européennes à traiter en alliées avec des puissances appartenant à la sphère civilisationnelle musulmane, qui ne présente d’ailleurs guère d’unité, que ce soit sur le plan religieux, linguistique, ethnique ou politique. Ce constat n’implique évidemment pas de reconnaître l’islam comme une composante de notre civilisation, en dépit de la présence de nombreux musulmans sur le sol européen (présence, dans la plupart des cas, récente à l’échelle de l’histoire). Si l’on peut parfaitement être musulman et ressortissant d’un pays européen, cela ne peut conduire en aucune manière à considérer la France comme un « pays musulman » (contrairement aux propos effarants récemment tenus par un ambassadeur de France dans un pays nordique, à la suite des débats sur le « séparatisme musulman » suscités par les attentats islamistes commis dans notre pays).

    Il est évident que les vagues migratoires massives en provenance de « terres d’islam », qui ont pénétré sur le sol européen depuis un demi-siècle avec la complicité plus ou moins active des élites politiques, économiques, intellectuelles, médiatiques et même religieuses, placent l’Europe devant la menace d’une modification radicale de son identité ethnique et culturelle. Il n’est pas certain qu’il soit possible de réduire la fracture provoquée par cinquante ans de trahisons et d’impérities en recourant à une définition biaisée des origines de notre civilisation.

    Contrairement aux admonestations des thuriféraires de l’intégration « républicaine », cette fracture ne correspond pas à un risque à venir, qui procéderait du repli « identitaire » de certains Européens. Cette fracture s’est DÉJÀ produite, et elle est le résultat de cinquante années de folle politique migratoire. Est-ce à dire que cette fracture nous place dans une situation irrémédiable ? Conviendrait-il, comme certains nous y incitent, d’en nier la portée dans l’espoir d’en limiter les conséquences ?

    L’Institut Iliade propose une autre voie : celle qui consiste à inviter les Européens non seulement à retrouver la mémoire de leur passé, mais surtout à se réapproprier pour l’avenir les vertus qui ont permis à leur génie civilisationnel de se déployer, il y a plus de cinq mille ans.

    L’aventure n’est pas terminée, mais l’heure est décisive ; elle requiert la plus grande lucidité. Ne nous payons plus de mots et renonçons aux facilités de langage qui nous égarent. Le concept de « civilisation judéo-chrétienne » est vide de sens lorsqu’il s’agit de définir l’identité collective de nos peuples. Osons promouvoir, incarner et défendre la CIVILISATION EUROPÉENNE, dont les origines ont été merveilleusement mises en lumière par les travaux de Georges Dumézil et Émile Benveniste [1].

    Henri Levavasseur (Institut Iliade, mars 2021)

     

    Note :

    [1] Rappelons, à l’intention des censeurs « vigilants » à qui cette information pourrait avoir échappé, que le linguiste Émile Benveniste, auteur d’une magistrale étude sur le « Vocabulaire des institutions indo-européennes » (Paris, Les Editions de Minuit, 1969), est né à Alep en 1902, de deux parents instituteurs de l’Alliance Israélite. Naturalisé français en 1924, ce grand savant honora sa patrie d’adoption par la qualité de ses travaux. Si cet exemple éminent démontre qu’il est possible à quelques individus d’exception de DEVENIR européen, il ne nous conduit pas pour autant à penser que l’identité civilisationnelle de l’Europe se réduit à la caricature d’un grand melting pot.

     

     

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  • Pour un réveil européen !...

    Les éditions de la Nouvelle Librairie viennent de publier, dans la collection de l'Institut Iliade, un ouvrage dirigé par Olivier Eichenlaub et intitulé Pour un réveil européen. Présenté par Philippe Conrad et Grégoire Gambier, il est complété par une postface d'Alain de Benoist.

     

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    " Vivre, aimer, servir, combattre, transmettre, conscients de notre double vocation d’héritiers et de refondateurs : tel est l’appel au grand réveil des Européens que lancent les auteurs de ce livre, membres ou amis de l’Institut Iliade. Les douze chapitres de l’ouvrage nous invitent ainsi à une réflexion actualisée sur les trois impératifs de la triade homérique définie par Dominique Venner.

    Reconnaître la nature comme socle, c’est respecter les équilibres naturels et renouer avec la dimension communautaire de nos tarditions pour rebâtir la cité sur le fondement de notre identité.

    Rechercher l’excellence comme but, c’est cultiver l’exigence envers soi-même et tendre à se dépasser pour renouer le fil de la continuité avec « ce que nous sommes », sous une forme toujours renouvelée, depuis des millénaires.

    Viser la beauté comme horizon, c’est rompre avec l’utilitarisme bourgeois et refuser l’extension du domaine de la laideur, c’est adopter une éthique de la tenue et suivre la voie des « cœurs aventureux », déterminés à ré-enchanter notre monde et retrouver le sens sacré.

    Il n’y a aucune fatalité au déclin des peuples et des nations d’Europe. Lorsque les lumières s’éteignent, les torches doivent s’embrasser !

     

    Ont participé à cet ouvrage : Jean-Philippe Antoni • Alain de Benoist • Anne-Laure Blanc • Thibaud Cassel • Philippe Conrad • Olivier Eichenlaub • Paul Éparvier • Grégoire Gambier • Jean-François Gautier • Jean-Yves Le Gallou • Henri Levavasseur • Alix Marmin • Rémi Soulié • Guillaume Travers. "

     

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  • Ce que nous sommes...

    L'Institut Iliade et les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier, sous la direction de Philippe Conrad, un ouvrage collectif intitulé Ce que nous sommes - Aux sources de l'identité européenne. Historien et président de l'Institut Iliade, Philippe Conrad s'est entouré de Jean-Yves Le Gallou, cofondateur de l'Institut et président de la fondation Polémia, ainsi que de François Bousquet, Thibaud Cassel, Édouard Chanot, Jean-François Gautier, Grégoire Gambier, Christopher Gérard, Éric Grolier, Henri Levavasseur, Lionel Rondouin et Jean-Louis Voisin, pour composer ce chant polyphonique d'amour et de combat pour l'Europe de demain.

     

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    " Il y a quelques années, après avoir prophétisé le « choc de civilisations », Samuel Huntington interrogeait ses compatriotes : Qui sommes-nous ? Cette question essentielle se pose aujourd’hui aux Européens sur leur propre sol. Ce que nous sommes, c'est ce que nous déciderons de continuer à être, dans la fidélité à nos héritages, à nos lignages, et à l'enthousiasme d'un avenir toujours possible. L'effort de reconquête suppose une relecture de notre histoire et une réappropriation de nos traditions européennes, conditions nécessaires pour éclairer et affirmer ce qui nous distingue des autres et ce que nous entendons préserver.
    Ce manifeste s'adresse à tous ceux qui refusent la fatalité du déclin de notre civilisation. "

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  • Pour une éthique européenne de la tenue...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'Henri Levavasseur, cueilli sur le site de l'Institut Iliade et consacré à la réhabilitation d'une éthique de la tenue, en ces temps de relâchement et d'ensauvagement. Docteur en histoire et linguiste, l'auteur est spécialiste des cultures germaniques anciennes et de la protohistoire de l’Europe septentrionale.

     

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    Pour une éthique européenne de la tenue

    Ouvert par le cataclysme de la Première Guerre Mondiale, le cycle du « sombre vingtième-siècle » a plongé l’Europe dans une crise de civilisation sans précédent, l’amenant à secréter elle-même, à travers les idéaux faisandés d’un universalisme ennemi des nations et des peuples, le poison du « grand effacement » qui menace de détruire jusqu’aux racines de son génie.

    Rien, pourtant, n’est encore joué : il appartient aux jeunes Européens de ne pas se résigner et d’écrire une autre histoire, en accord avec les immenses potentialités d’une culture multimillénaire. C’est en puisant dans leur longue mémoire, en procédant au « grand ressourcement », qu’ils apprendront à se connaître eux-mêmes, à donner sens et forme à leur destin, afin de trouver les ressources morales permettant de relever les défis qui les attendent. Confrontés à la dissolution des institutions et de la cité dans le magma d’une société multiculturelle, multi-ethnique et multi-conflictuelle, cette jeunesse devra se rassembler sur son propre sol en communautés pérennes, organiques et soudées.

    De telles communautés ne reposent pas seulement sur des liens de solidarité mutuelle, mais aussi sur la valeur individuelle, c’est-à-dire sur la capacité de chacun à recevoir, incarner et transmettre l’héritage commun.

    Cette valeur ne se mesure pas seulement à l’aune des capacités intellectuelles et physiques, ou du talent artistique — même si ces qualités sont éminemment précieuses. Ici intervient la notion d’éthique, associée à celle de tenue, qui jouent toutes deux un rôle fondamental dans la vision européenne du monde.

    Comme l’écrivait Pierre Drieu La Rochelle : « on est plus fidèle à une attitude qu’à des idées » (Gilles, 1939).

    Que convient-il donc d’entendre par « éthique de la tenue » ? Quelles sont les formes spécifiques que revêt cette éthique dans l’histoire de la civilisation européenne ? Quels sont enfin les modes d’expression possibles, permettant aujourd’hui d’incarner cette éthique ?

    Qu’est-ce que l’« éthique de la tenue » ?

    Les dictionnaires contemporains définissent volontiers l’éthique comme une réflexion philosophique fondamentale, sur laquelle la morale établit ses normes, ses limites et ses devoirs.

    Dans cette optique, le détail des prescriptions morales, fondées sur la distinction du bien et du mal, est susceptible de varier d’une société ou d’une religion à l’autre, tandis que l’éthique en appelle à la raison pour poser des principes universels, par de-là les contingences historiques et les particularismes de chaque civilisation.

    Cette conception de l’éthique, propre à la tradition philosophique des Lumières, a naturellement peu à voir avec celle dont nous allons nous entretenir.

    Revenons à l’origine du mot. Étymologiquement, éthique et morale renvoient, dans le monde antique, aux mêmes notions. Le mot français « morale » dérive du latin moralis, qui provient lui-même de mos, « mœurs », « coutume », « usage » — le mos majorum, « coutume ancestrale », fondant la morale du citoyen romain de l’époque classique. Le mot « éthique » trouve son origine dans le grec « ἦθος », qui présente les principales significations suivantes :

    1. « séjour habituel, lieux familiers, demeure » (employé au pluriel) : ἦθεα désigne dans l’Iliade les pâturages des chevaux, tout comme νομός (« part », « portion de territoire », « pâturage », qui prend ensuite le sens de « coutume, loi, usage », le verbe νέμειν, « attribuer, répartir, régler selon la coutume ») ;
    2. « disposition de l’âme, manière d’être, caractère » : notamment la célèbre formule d’Héraclite ἦθος ἀνθρώπῳ δαίμων (« la manière d’être, pour l’homme, est empreinte divine ») ; la joie, le courage, la noblesse sont par exemple des ἤθη, que les différents arts s’efforcent d’imiter ;
    3. « coutume, usage, mœurs » (cf. également la forme ἔθος, « coutume, usage ») ; dans sa Théogonie, Hésiode évoque les νόμοι et les ἦθεα des immortels, c’est-à-dire les lois et les usages des dieux. L’ethos d’un peuple trouve ses racines dans la tradition et repose donc sur une transmission.

    Dans le domaine de l’art oratoire, ἦθος prend en outre un sens particulier : les Grecs distinguent en effet entre le logos, qui renvoie à la logique, le pathos, qui renvoie à la sensibilité, et l’éthos qui correspond à ce que nous nommons le « style ».

    On saisit d’emblée que l’ethos ne renvoie pas chez les Grecs à une quelconque morale universelle, fondée sur l’opposition du bien et du mal : il s’agit au contraire d’un concept évoquant le caractère propre d’un être donné, en lien avec le lieu où il séjourne et la manière dont il se comporte habituellement — d’où le sens de « coutume », d’« usage », que l’on retrouve également dans le latin mos.

    Le mot ἔθος est d’ailleurs étymologiquement apparenté à ἔθνος (« famille, clan, peuple »), ainsi qu’à ἔθω (« personne familière », « les siens »). Ce dernier terme, lui même apparenté au latin sodalis (« compagnon », « ami »), dérive d’une racine de indo-européenne *su̯ē̆dh- (« faire sien », « se poser soi-même »), que l’on retrouve dans le sanscrit svádhā (« pouvoir personnel », « autorité naturelle », « usage », « coutume »), le vieil-haut-allemand sito ou l’allemand Sitte, « coutume », « mœurs ».

    Au sens étymologique, l’éthique désigne donc la manière d’être au monde en conformité avec l’usage, la coutume, la tradition en un lieu donné. Elle est la manière dont les êtres se tiennent face au monde, dans leur séjour habituel. On retrouve d’ailleurs ce lien entre les notions de coutume, de séjour et de tenue dans la proximité étymologique entre les termes français « habitation, habitude, habit », apparentés au latin habitus, « manière d’être ».

    Très tôt, le mot « habit » est associé dans notre langue à l’idée de « maintien » de « tenue », au sens de « tenir sa place et son rang ».

    Il est donc tout à fait pertinent de parler d’éthique de la tenue, dans la mesure où cette formule permet de définir une forme d’exigence tournée vers un idéal humain propre à notre civilisation, à nos mœurs, nos traditions et nos coutumes, indépendamment des formes universelles de morale, qu’elles soient d’essence religieuse ou laïque, c’est-à-dire fondées soit sur le dogme et la foi, soit sur une définition abstraite de la raison humaine, détachée de tout enracinement spécifique.

    Comment définir l’éthique européenne de la tenue ? Comme toujours, à partir de l’étude des figures emblématiques que nous livre notre histoire depuis l’antiquité.

    L’éthique de la tenue dans l’histoire européenne

    Sans nier la valeur des exempla légués par la grande tradition classique, nous ne nous réfèrerons pas ici à telle ou telle anecdote édifiante, mais tenterons de saisir l’essence de notre tradition de manière à la fois plus générale et plus profonde, en évoquant quelques « figures archétypiques » qui dessinent les contours d’une éthique propre aux élites européennes.

    Cette éthique renvoie à un certain idéal aristocratique, dont les traits principaux présentent une continuité étonnante depuis l’antiquité, en dépit des particularismes liés à tel ou tel peuple, et malgré les divers bouleversements sociaux, religieux et politiques qu’a pu connaitre l’Europe au fil des siècles.

    Quatre types fondamentaux ont profondément marqué l’imaginaire européen, et constituent en quelque sorte les figures tutélaires auxquelles toute élite authentique doit se référer : le héros homérique, le citoyen romain, le chevalier médiéval, le gentilhomme.

    Le héros homérique évolue dans un univers où le jugement porté sur l’homme ne repose pas sur la dualité du bien et du mal, en tant que critères moraux fondés sur la crainte de dieu, l’amour du prochain, la crainte du châtiment et l’espérance du salut éternel, mais sur la distinction du beau et du laid, de ce qui est honorable et de ce qui ne l’est pas, sur la nécessité de se montrer digne de l’estime de ses pairs, conformément à des règles de comportement fondées sur la coutume ancestrale.

    L’idée de faute originelle est absente : le « bien » (ἀγαθόν, « ce qui bon ») est ce qui conforme au juste ordonnancement des choses et de l’univers (κόσμος, « ordre [de l’univers] », mais aussi « parure, ornement »). L’expression καλὸς κἀγαθός (« beau et bon »), à laquelle se conforme l’aristocratie athénienne, désigne un idéal de perfection humaine où la qualité du paraître rejoint celle de l’être : le philosophe Werner Jaeger évoque à ce propos, dans son ouvrage Paideia, consacré à la formation de l’homme grec, un « idéal chevaleresque de la personnalité humaine complète, harmonieuse d’âme et de corps, compétente au combat comme en paroles, dans la chanson comme dans l’action ».

    A l’inverse, toute manifestation de démesure (ὕϐρις), chez les hommes comme chez les dieux, entraîne une catastrophe. Nous sommes ici aux antipodes de ce que le philosophe Heidegger décèle dans la modernité occidentale, à savoir la « métaphysique de l’illimité » — l’appétit du « toujours plus », auquel nous devons opposer la logique du « toujours mieux ».

    Pour revenir aux textes d’Homère, « toute transgression de l’harmonie, de la mesure, de la conduite droite, se paie au prix fort, ainsi la funeste colère d’Achille, prétexte de l’Iliade. Homère ignore l’intériorisation d’une morale fondée sur la faute et la culpabilité. (…) Il met en action des vertus et leurs contraires, le courage et la lâcheté, l’honneur et la bassesse, la magnanimité et la rancune, la loyauté et la traîtrise. Il montre aussi des caractères, sans rien dissimuler de leurs contradictions, Hector et sa lucidité, Pénélope et sa féminité, Achille et sa vaillance, Ulysse et son habilité, Nestor et sa raison, Pâris et sa faiblesse, Hélène et son extrême sensualité. Les poèmes homériques ne parlent pas en formules conceptuelles ou dogmatiques. Ils donnent pourtant des réponses claires aux questions de la vie et de la mort » (D. Venner, Histoire et tradition des Européens, pp. 108–109).

    Héritière du monde grec, mais aussi d’une tradition propre, fondée en grande partie sur un héritage indo-européen, la civilisation romaine nous a également légué un idéal aristocratique d’une grande valeur : celui du citoyen de l’époque classique. Ce dernier apparait constamment soucieux de sa dignitas, aussi bien personnelle que familiale. Pour la préserver, il est prêt à aller jusqu’au sacrifice de sa vie : la mort volontaire est à Rome un sort toujours préférable au déshonneur.

    La dignitas s’enracine dans la virtus, non pas la vertu au sens chrétien du terme, mais la qualité qui distingue l’homme, vir : l’énergie morale, la force d’âme, la maîtrise de soi (gravitas), qui se situe au cœur de l’enseignement des Stoïciens.

    Ces qualités sont indissociables de la pietas, c’est-à-dire du respect de la tradition (mos majorum), du devoir rendu aux dieux et à la famille, en particulier au père, devoirs auxquels s’ajoute le service de l’état. Avec la virtus, la clementia et la iustitia, la pietas est l’une des quatre vertus impériales reconnues à Auguste sur l’inscription du bouclier d’or (clipeus aureus) placé en son honneur dans la Curia Iulia. Comme chez les Grecs, l’idéal du citoyen romain se fonde sur l’unité de l’être et du paraître. C’est le sens de la formule de Juvénal : mens sana in corpore sano.

    Scipion fait graver sur son tombeau la formule suivante « Ma vie a enrichi les vertus de ma race. J’ai engendré des enfants, j’ai cherché à égaler les exploits de mon père. J’ai mérité la louange de mes ancêtres, qui se sont réjouis de me voir né pour leur gloire. Ma dignitas a rendu fameuse ma race » (cité par D. Venner, id., p. 136).

    La chevalerie médiévale reprend une partie de cet héritage, associé certes aux vertus chrétiennes, mais également au vieil idéal martial et à la conception de l’honneur répandus dans les sociétés celtiques et germaniques. Dominique Venner (id., pp. 178–179) qualifie l’éthique chevaleresque d’« éthique incarnée » : « prouesse, largesse et loyauté sont ses attributs que l’honneur résume. L’élégance de l’âme commande d’être vaillant jusqu’à la témérité ».

    L’exigence de fidélité à la parole donnée pousse à tenir la foi jurée jusqu’à la mort, attitude magnifiquement exaltée dans la Chanson des Nibelungen, de telle sorte que l’idéal du sacrifice héroïque, présent dans toute la tradition épique du monde germanique, a sans doute contribué de façon décisive à l’acceptation du christianisme par les peuples du Barbaricum. Le poème saxon Heliand décrit d’ailleurs le Christ et ses disciples comme un prince germanique entourés de ses vassaux, tandis que les noces de Cana apparaissent comme un festin guerrier.

    A l’époque moderne, la figure du gentilhomme représente la synthèse et l’aboutissement de ces divers héritages, à travers l’équilibre entre les talents de l’homme d’épée et de l’homme d’esprit, alliant élégance morale, distinction, courage et maîtrise de soi. Tel est l’idéal, largement partagé à travers toute l’Europe, que s’efforcent d’atteindre le Junker prussien et le gentleman britannique.

    Une certaine forme de stoïcisme propre à l’homme d’action est commune aux quatre types que nous venons d’évoquer.

    Est-ce à dire, cependant, que l’éthique de la tenue se trouve réservée à une élite sociale fondée exclusivement sur des règles de transmission héréditaire ? Si cette dernière a naturellement toujours joué un rôle central, il convient de rappeler l’importance d’autres formes d’institutions méritocratiques, reposant sur la notion de compagnonnage guerrier. Les concepts de noblesse et de chevalerie, par exemple, ne sont pas strictement identiques.

    Comme le souligne Dominique Venner (Un samouraï d’Occident, p. 294), nos racines « ne sont pas seulement celles de l’hérédité, auxquelles on peut être infidèle, ce sont également celles de l’esprit, c’est-à-dire de la tradition qu’il appartient à chacun de se réapproprier ».

    Quelles leçons concrètes la jeunesse européenne de notre temps, déterminée à s’engager sur la même voie, peut-elle toutefois recueillir de ces exemples si éloignés de notre quotidien ? En apparence, les modèles que nous venons d’évoquer semblent dépassés pour plusieurs raisons : l’environnement social, culturel et politique traditionnel, nécessaire à l’éducation d’une véritable élite, a aujourd’hui été en grande partie balayé ; la noblesse a cessé d’être une institution, d’assurer un rôle politique central et de « donner le ton » ; les valeurs dominantes sont au contraire celles de l’hédonisme individualiste et de l’égalitarisme, même si les inégalités économiques et sociales sont par ailleurs de plus en plus criantes ; la notion d’élite est largement dépréciée, ou se trouve associée à des types humains opposés à ceux de l’ancienne aristocratie européenne ; l’élitisme est même perçu comme un travers ; enfin, un grand nombre de ceux qui sont en mesure de réclamer, en tant qu’héritiers par le sang et par le nom, le patrimoine spirituel de l’ancienne aristocratie européenne, adoptent parfois des comportements assez éloignés des valeurs de leurs aïeux.

    Médiocrité et vulgarité ne constituent pas nécessairement des tares nouvelles, propres à notre époque, mais elles font aujourd’hui l’objet d’une complaisance sans précédent, qui trouve son expression la plus achevée dans les « modèles » imposés aux populations sidérées par les loisirs de masse et le matraquage publicitaire : il s’agit d’une véritable inversion des canons esthétiques et éthiques. L’idéal aristocratique n’a pas nécessairement disparu, mais il ne structure plus la société.

    Pourtant, chacun de nous peut encore choisir d’incarner une part de l’éthique aristocratique européenne, en la déclinant — au féminin comme au masculin — dans des situations et des engagements très divers.

    Cette possibilité revêt une portée qui dépasse les seuls destins individuels. Dominique Venner le rappelle dans le Samouraï d’Occident (p. 296) : « Les ébranlements de notre temps ont des causes qui excèdent les seuls forces de la politique ou des réformes sociales. Il ne suffit pas de modifier des lois ou de remplacer un ministre par un autre pour construire de l’ordre là où sévit le chaos. Pour changer les comportements (…), il faut réformer les esprits, une tâche à toujours recommencer ».

    L’éthique de la tenue est l’expression individuelle et communautaire de cette réforme des esprits, prélude au nécessaire réveil de l’Europe en dormition. Elle est une voie d’excellence, dans laquelle la jeunesse européenne doit aujourd’hui réapprendre à s’engager.

    L’éthique de la tenue pour les Européens d’aujourd’hui

    S’il peut paraître difficile d’établir les critères objectifs de la « tenue », chacun sait instinctivement définir ce qu’il convient de rejeter : le débraillé, la vulgarité, le laisser-aller. Ce dernier peut prendre des formes diverses : laisser-aller du corps (avachissement ou exhibition vulgaire), laisser-aller du vêtement (le modèle « united colors », universel et « unisexe »), laisser-aller du comportement et de l’attitude (manque de maîtrise de soi, oubli des règles élémentaires de la courtoisie et du savoir-vivre), laisser-aller du langage (outrance, approximation ou vulgarité), laisser-aller de l’esprit et de l’intellect (paresse intellectuelle, conformisme), laisser-aller de l’âme (perte du sens de l’honneur et de la parole donnée, de la fidélité à ses principes et à son héritage, absence de courage).

    A toutes ces formes d’abandon de soi-même, il faut précisément opposer la notion de « tenue ». Celle-ci constitue une ascèse — ce qui n’implique pas nécessairement une vie « ascétique » : au-delà de son acception religieuse, passée dans le vocabulaire chrétien par l’intermédiaire du latin chrétien asceta, le mot est apparenté au grec ἄσκησις (« exercice »), qui désigne à l’origine divers types d’activités artistiques ou physiques, en particulier l’athlétisme. L’ascèse est donc avant tout une discipline.

    L’éthique de la tenue se fonde en définitive sur la volonté de vivre en européen, conformément à notre tradition. Fidèle à la « longue mémoire européenne », Dominique Venner nous rappelle à ce propos que « l’esthétique fonde l’éthique » (Un samouraï d’Occident, 2013), et nous incite à nous référer à ce qu’il nomme la « triade homérique » : « la nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon ».

    La nature comme socle, c’est non seulement respecter l’ordre naturel et ses grands équilibres, d’un point de vue aussi bien écologique qu’anthropologique (à travers la polarité du masculin et du féminin), mais également assumer et transmettre les caractères spécifiques de notre patrimoine héréditaire européen. C’est savoir s’immerger régulièrement dans la splendeur de nos paysages et s’attacher à la dimension communautaire de nos traditions à travers la célébration des fêtes calendaires traditionnelles, associées au cycle annuel.

    L’excellence comme but, c’est conserver le souci de l’élégance morale, pratiquer une certaine retenue et cultiver l’exigence envers soi-même ; c’est s’efforcer à l’adéquation de la pensée et de l’action, de l’être et du paraître, tendre à se dépasser plus qu’à rechercher son « épanouissement personnel » dans une perspective strictement hédoniste, se soumettre à une discipline librement consentie plus que de revendiquer une liberté totale ; c’est se savoir « maillon d’une chaîne », servir plus que se servir, se montrer exigeant dans le choix de ses pairs tout en étant capable d’affronter la solitude ; enfin et surtout, c’est transmettre cet ensemble d’exigences par l’exemple, en ne se reniant jamais soi-même au profit de la facilité, du confort ou de la sécurité. Le plus sûr moyen d’y parvenir est de construire ce que Dominique Venner appelle notre « citadelle intérieure », par la méditation quotidienne, la lecture, mais aussi la discipline du corps (notamment à travers la pratique sportive, afin d’entretenir le sens de l’effort et le goût de l’action).

    La beauté comme horizon, c’est — à défaut de pouvoir « ré-enchanter » le monde par ses seules forces lorsque les dieux paraissent l’avoir déserté — ne jamais laisser la laideur avoir prise sur soi, se soustraire autant que possible à son emprise (en se gardant de l’accoutumance aux distractions « à la mode », alliant vulgarité, bêtise et inversion des valeurs) ; c’est rechercher au contraire toutes les occasions de nourrir son esprit par la contemplation du beau ; c’est aussi manifester, à la mesure de ses moyens, ce souci de la beauté et de l’élégance jusque dans les moindres occasions du quotidien, dans les objets qui nous entourent, la décoration de notre habitat comme dans la tenue vestimentaire, en conformité avec notre esthétique européenne. Tel est le plus sûr moyen de rayonner, d’éveiller et de transmettre, aux enfants comme aux adultes. L’éthique de la tenue est aussi une esthétique : se « tenir », c’est donner forme à son existence.

    Dominique Venner a résumé l’ensemble de ces préceptes dans le Samouraï d’Occident (pp. 292, 296–297) : « Dans leur diversité, les hommes n’existent que par ce qui les distingue, clans, peuples, nations, cultures, civilisations, et non par ce qu’ils ont superficiellement en commun. Seule leur animalité est universelle (…). Quelle que soit votre action, votre priorité doit être de cultiver en vous, chaque jour, comme une invocation inaugurale, une foi indestructible dans la permanence de la tradition européenne ».

    L’éthique de la tenue, c’est vivre en Européen !

    Henri Levavasseur (Institut Iliade, 28 février 2018)

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